[1ère publication de
ce billet : 1er janvier 2012]
Persépolis est un long métrage
d'animation français de 95 min. réalisé par Vincent Paronnaud et Marjane
Satrapi. Il est sorti en France le 27 juin 2007. Le film s'inspire de
Persépolis, la bande dessinée autobiographique en 4 volumes de Marjane Satrapi,
publiée entre 2000 et 2003 et republiée en un seul volume à l'occasion de la
sortie du film en 2007.
Présenté dans la sélection
officielle du Festival de Cannes 2007, le film y a obtenu le prix du jury
ex-æquo avec Lumière silencieuse de Carlos Reygadas. La république islamique
d'Iran n'a pas apprécié que ce prix soit décerné à un film critiquant sans embage le régime des mollahs et elle s'est officiellement indignée que ce film ait été sélectionné car, selon
elle, il présente « un tableau irréel des conséquences et des réussites de la
révolution islamique ». Elle en a néanmoins diffusé une version censurée (cela c'était en 2007). Le
film a été nommé pour l'Oscar du meilleur film d'animation 2007. Persépolis fut
également interdit de diffusion au Liban fin mars 2008 durant un temps, avant
que la polémique nationale n'aboutisse à la levée de cette interdiction.
Le film fait encore des vagues
puisque, suite à sa diffusion en Tunisie le 9 octobre 2011, un groupe d'environ
200 salafistes avait tenté de mettre le feu à l'immeuble occupé par la chaîne
de télévision Nessma puis au domicile personnel de son PDG, Nabil Karoui. Depuis, le régime islamique ayant drastiquement réduit la liberté d'expression en Iran, la diffusion en est évidemment toralement ineterdite.
Synopsis
Le film est totalement autobiographique et Marjane Satrapi y raconte les proncipaux épisodes de sa vie depuis l'âge de 8 ans jusqu'à son exil en France. Lorsque le film commence, nous sommes en 1978 à
Téhéran, qui était alors sous la dictature du Shah : Marjane est une enfant heureuse qui vit à l'occidentale avec ses
parents, un couple de jeunes iraniens modernes et cultivés.
Elle songe à l'avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Elle a aussi une
grande complicité avec sa grand-mère, une femme très libre d'esprit et qui
parle un langage cru que, par la suite, lui empruntera Marjane. Toute la
famille suit avec exaltation les événements qui vont mener à la révolution et
provoquer la chute du régime du Shah, croyant que celle-ci instaurera un régime de démocratie et de liberté. Mais, hélas, ce n'est pas du tout ce qui devait se
passer. Avec l'instauration d'une « République islamique », dirigée par des
mollahs rétrogrades, débute le temps
d'une dictature encore pire que celle du Shah. Marjane, qui doit porter le
voile, se rêve désormais en révolutionnaire.
Bientôt, la guerre contre l'Irak
entraîne bombardements et privations, enrôlements forcés de jeunes gens que
l'on transforme en "martyrs de la révolution" et à qui l'on promet le
"paradis d'Allah", fait un grand nombre de morts et de blessés pendant que, dans le
pays, les "gardiens de la révolution" arrêtent arbitrairement,
torturent et exécutent tous ceux qui, de près ou de loin, sont suspectés de
vouloir s'opposer au régime des religieux islamistes et instaurent un contrôle
des mœurs et des comportements aussi stupide que corrompu.
Dans un contexte de plus en plus
pénible, les parents de Marjane craignent que les prises de position rebelles de lzue fille ne la
mettent en danger. Ils décident alors de l'envoyer poursuivre ses études à
Vienne en Autriche. Marjane a alors quatorze ans : dans la capitale
autrichienne, elle découvre la liberté, l’abondance de la société de
consommation et fait ses premières expériences amoureuses mais elle supporte
mal la solitude, l'égoïsme et l'indifférence des gens qui se disent ses amis.
Son retour en Iran est un échec
car elle se trouve désormais déchirée entre deux modes de vie et, comme beaucoup d'exilés, elle ne
parvient plus à se réinsérer dans la société iranienne de plus en plus soumise
aux diktats des islamistes. Elle sombre alors dans une grave dépression et fait
même une tentative de suicide (qui, bien que montrée dans la 1ère version du film, sera seulement suggérée
dans sa version finale, comme nous l'apprend le making-off du DVD). Enfin remise de
sa dépression, elle rencontre un jeune iranien ouvert aux idées occidentales
avec qui elle décide de se marier. Mais le mariage, trop rapidement décidé, ne
résiste pas aux contraintes de la vie quotidienne et Marjane divorce puis
regagne l’Occident, en l’occurrence la France. C'est là que sa vie commencera
vraiment puisqu'elle y écrira les quatre tomes de son autobiographie sous forme
d’une bande dessinée qui lui apporta le succès et permettra la réalisation du
film.
La réalisation
Sur le plan technique, la réalisation de ce film d'animation de 95
minutes a représenté un véritable exploit, comme on le voit dans les bonus
joints au DVD : l’animation a été réalisée selon des techniques classiques du
dessin, sans recours à l’informatique, mobilisant une extraordinaire équipe d’artistes.
Les doublages des différents protagonistes du film ont été réalisés par de
grands acteurs comme :
- · Catherine Deneuve (qui joue le rôle de la mère de Marjane)
- · Chiara Mastroianni (Marjane adolescente et adulte)
- · Danielle Darrieux (la grand-mère de Marjane)
- · La voix de Marjane enfant a été enregistrée par Gabrielle Lopes Benites
Dans la version anglaise, les
acteurs qui ont prêté leur voix aux personnages, outre Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni, qui sont bilingues, ont été Sean Penn (pour le père de Marjane), Iggy Pop (qui
double son oncle Anouche) et Gena Rowlands (la grand-mère).
Distinctions
- 2007 : Prix spécial du jury du Festival de Cannes 2007 (ex-æquo avec Lumière silencieuse de Carlos Reygadas)
- 2007 : Sélection officielle pour la Palme d'or
- 2007 : Prix spécial du jury au Cinemania International Film Festival
- 2008 : Prix des auditeurs de l'émission radiophonique Masque et la Plume
- 2008 : Meilleur premier film lors de la cérémonie des Césars 2008
- 2008 : César de la Meilleure adaptation lors de la cérémonie des Césars 2008.
- 2008 : Nommé aux Oscars du cinéma 2008 dans la catégorie meilleur film d'animation (mais l'oscar fut finalement attribué au film Ratatouille).
Mon opinion sur ce film
Persépolis est un film extraordinaire
à tout point de vue, par sa technique, d'abord, qui utilise le dessin animé
presque exclusivement en noir et blanc (à part quelques scènes colorées ou
colorisées), la concision de ses dialogues, son humour décapant (en particulier
celui de la grand-mère qui s'exprime dans un langage particulièrement cru, magnifiquement
servi par la voix à la fois élégante et malicieuse de notre adorable Danielle
Darrieux, dont on imagine le plaisir qu'elle a dû prendre à dire ces répliques.
Bien que sorti en 2007, ce film
est, hélas, toujours d'actualité et il a quelque chose de visionnaire dans sa
description du processus du passage d'une dictature occidentalisée à un autre
type de dictature, encore plus rétrograde et réactionnaire, processus qui est
en train de se dérouler sous nos yeux dans la plupart des pays ayant connu le
"printemps arabe", que ce soit en Egypte, en Algérie, en Tunisie et peut-être
demain la Syrie*, au Yémen, etc.
* Pour la Syrie, à l’heure où je reprends
ce billet, le pays, toujours dirigé par le dictateur Bachar El-Hassad, est en
pleine guerre civile depuis 2011. Celle-ci a fait entre 100 000 et 150 000
morts et l’avancée des djihadistes qui se sont emparés d’une partie du pays, a poussé
plusieurs millions de syriens hors du pays. On sait peu de choses sur ce qui se
passe au Yémen mais les tensions y sont vives, de même qu’en Libye, depuis le
renversement de Kadhafi, où en Egypte où l’instabilité est quotidienne. Après
une guerre civile, entre 1991 et 2002, presqu’aussi meurtrière que celle que l’on voit se dérouler
actuellement en Syrie, la situation en Algérie est stabilisée mais la paix y
est fragile et en grande partie artificiellement maintenue par un régime totalitaire, comme, sous une forme moins visible, au Maroc.
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