Danielle Darrieux (1951)
Danielle Darrieux, née le 1er mai 1917 à Bordeaux, est une actrice
française, qui, au cours d'une des plus longues carrière cinématographiques -
huit décennies -, a traversé l’histoire du cinéma parlant et est aujourd'hui
une des dernières actrices mythiques du cinéma mondial.
Comédienne, elle a abordé tous
les genres : des rôles de jeunes filles ingénues dans des comédies musicales «
à la française », aux jeunes filles romantiques de drames historiques (Marie
Vetsera de Mayerling en 1936, Catherine Yourevska de Katia en 1938), en
passant par les mélodrames et les comédies d’Henri Decoin, dont Abus
de confiance (1938), Retour à l'aube (1938), Battement
de cœur (1939), Premier rendez-vous (1941), La
Vérité sur Bébé Donge (1952) et surtout les films de Max Ophüls, qui,
après la bourgeoise de La Ronde, lui fera jouer une
prostituée dans Le Plaisir et lui offrira son plus beau rôle dans Madame
de...
Vingt ans avant Brigitte Bardot, cette comédienne
imposait les initiales de son prénom et de son nom : DD.
Biographie
Enfance
Née au sein d’une famille de
mélomanes, Danielle Darrieux voit le
jour à Bordeaux mais passe son enfance à Paris. Son père, d'origine bordelaise,
est ophtalmologiste ; sa mère a des ascendances alsacienne et polonaise
(famille Witkowski).
Elle a un frère cadet, Olivier
André, né le 26 juillet 1921 et mort à Neuilly-sur-Seine le 16 décembre 1994,
qui a fait une carrière d’acteur.
La mort prématurée de son père,
alors qu'elle n'a que sept ans, contraint sa mère à donner des leçons de chant
pour subsister. Danielle Darrieux en
retire très tôt un goût prononcé pour la musique. Elle est dotée d’une voix
menue, mais juste et claire. Elle prend également des cours de violoncelle et
de piano, puis étudie le violoncelle au Conservatoire de musique.
Débuts
Par l’intermédiaire du mari d’une
élève de sa mère, Marie Serta, elle apprend que deux producteurs, Delac et
Vandal, recherchent une héroïne de treize ou quatorze ans pour leur prochain
film. Elle se présente aux studios d’Épinay et fait des essais qui se révèlent
concluants. Elle débute à 14 ans dans Le Bal (1931) de Wilhelm Thiele et,
séduisant les producteurs par son allant et sa spontanéité, elle obtient
immédiatement un contrat de cinq ans. Ne pensant pas alors exercer le métier
d'actrice, elle n'a jamais pris de cours d'art dramatique.
Sa carrière commence avec des
rôles de gamine facétieuse et fantasque aux côtés d'acteurs populaires du
cinéma français d'avant-guerre : Jean-Pierre
Aumont, Henri Garat, Pierre Mingand et surtout Albert Préjean avec qui elle forme, en
six films, le couple de charme des comédies musicales françaises des années
1930 (La
crise est finie, Dédé, Quelle drôle de gosse…).
Dès son premier film, elle chante et interprète, dans bon nombre de ses films
(bien souvent dans des compositions de Georges
Van Parys), des chansons populaires qui deviendront des succès : La crise est finie, Un mauvais garçon, Une charade et Premier rendez-vous.
Toujours en 1935, Anatole Litvak lui offre un rôle plus
dramatique : dans Mayerling, elle interprète une fragile et touchante comtesse
Marie Vetsera aux côtés de Charles Boyer,
déjà star en Amérique du Nord. Le film connaît un succès mondial qui lui ouvre
les portes d’Hollywood : elle signe un contrat de sept ans avec les studios
Universal. Accompagnée de son mari, elle s’embarque pour Hollywood et tourne
son premier film américain en 1938, La Coqueluche de Paris avec Douglas Fairbanks Jr. Nino Frank,
journaliste, déclare : « Danielle
Darrieux débute à Hollywood et elle le fait avec une grâce extrêmement nuancée,
un charme dépourvu de timidité, un talent qui enchante parce qu’elle est à
l’aise et ne le brandit pas comme un drapeau. » Mais très vite elle
s’ennuie à Hollywood et préfère casser son contrat pour rentrer en France.
Entre-temps, Danielle Darrieux a déjà tourné un film de Maurice Tourneur, Katia qui exploite le succès et la
magie de Mayerling. Henri Decoin
confirmera également le talent dramatique de Danielle Darrieux avec Abus de confiance et Retour
à l'aube, et surtout, profitant de son expérience acquise aux
États-Unis, il tourne Battement de cœur.
Durant cette période, elle a
aussi tourné dans le film Mauvaise Graine (1933), réalisé par
un scénariste autrichien exilé, fuyant l’Allemagne nazie, Billy Wilder. Un film tourné dans les rues de Paris en décors
naturels.
Elle devient, en 1935, l'épouse
du réalisateur Henri Decoin,
rencontré un an plus tôt lors du tournage de L'Or dans la rue. Il lui
fait tourner des comédies comme J'aime toutes les femmes, Le
Domino vert, Mademoiselle ma mère... Les trois derniers films de Decoin
sont des succès et Darrieux est l’une des vedettes les plus populaires du
moment. Son dernier film avec Decoin, Coup
de foudre, est interrompu par la déclaration de guerre et il restera
inachevé.
Divorcée d’Henri Decoin en 1941, Danielle Darrieux accepte, la même
année, de tourner dans Premier rendez-vous pour la
Continental. Le film et la chanson-titre connaissent un énorme succès.
Elle se remarie en 1942 avec Porfirio Rubirosa, rencontré dans le
Midi de la France, ambassadeur de la République dominicaine, qui sera soupçonné
d’espionnage contre l’Allemagne au point d’y être interné. Alfred Greven,
directeur de la Continental, fait subir des pressions à Danielle Darrieux au
point d’exiger d’elle, si elle ne veut pas que « la personne qui lui était
chère eût de gros ennuis », de tourner deux autres films Caprices et La
Fausse Maîtresse.
Elle fit également partie du
voyage à Berlin en mars 1942 en compagnie d’autres acteurs français sous
contrat avec la Continental[1]
dont Albert Préjean, René Dary, Suzy Delair, Junie Astor
et Viviane Romance. Dans un
documentaire diffusé sur ARTE au début des années 1990, elle déclarait qu’elle
n'était partie en Allemagne, qu'après un accord avec les Allemands, en ayant
l'assurance de rencontrer son mari Porfirio
Rubirosa qui y était incarcéré.
Une fois son mari libéré, elle
rompt son contrat avec la Continental et passe la fin de la guerre en résidence
surveillée à Megève puis, sous un faux nom, dans la région parisienne. Elle ne
fut que peu inquiétée à la Libération.
Danielle Darrieux dans l'émission de Michel Drucker "Vivement Dimanche" (2010)
L'après-guerre
Après trois ans d’interruption, Danielle Darrieux revient à l’écran,
décidée à tourner la page des rôles de jeunes filles écervelées de ses débuts.
Après quelques années un peu
grises, elle se remarie une troisième et dernière fois avec Georges Mitsinkidès en 1948, et commence
une seconde carrière.
Jean Cocteau avait envisagé, quelques années plus tôt, d’adapter La
Princesse de Clèves avec Danielle. Après
quelques films mineurs, il fait appel à elle pour interpréter la reine
d’Espagne dans Ruy Blas (1948) de Pierre
Billon avec Jean Marais. Mais
c’est Claude Autant-Lara qui,
l’employant différemment, lui donne l’occasion de renouer avec le succès avec
trois films, un vaudeville Occupe-toi d'Amélie (1949), où elle
joue une femme entretenue de la Belle Époque.
Son ex-mari, Henri Decoin la sollicite et l’impose dans un rôle très noir dans La
Vérité sur Bébé Donge (1952) avec Jean
Gabin où elle incarne une épouse aimante et bafouée qui devient une
meurtrière statufiée. Elle fera deux autres films avec Decoin, un polar, Bonnes
à tuer, et un film historique, L'Affaire des poisons, où elle
incarne Madame de Montespan.
Dans Le Bon Dieu sans confession
(1953) où, rouée et ambiguë, elle interprète la garce assumée.
Dans les années 1950, elle
retrouve Hollywood pour quelques films. Max
Ophüls fait d’elle son égérie. Il lui fait tourner trois films majeurs : La
Ronde (1951) où elle incarne une épouse infidèle que ni son mari ni son
amant ne parviennent à satisfaire ; Le Plaisir (1952) et surtout Madame
de... Film qui commence comme une comédie légère et sombre dans le
drame. Danielle Darrieux y est comparée à Dietrich et à Garbo. Karl Guérin
écrira sur cette collaboration : « … de La Ronde au Plaisir, du Plaisir à Madame de…, les personnages interprétés
par Danielle Darrieux découvrent la
réalité du masque social dont ils finissent par être les victimes. Errant au
milieu de tous les bonheurs possibles et jamais réalisés, celle qui fut la plus
célèbre ingénue du cinéma français semble de film en film découvrir avec
naïveté et étonnement l’univers des sensations et des passions. Parvenir à
animer d’un frémissement ce visage et ce corps si ordinairement élégants,
parvenir à attirer à la lumière du jour un peu de la femme dissimulée derrière
l’image frivole et rassurante chère à l’actrice : voilà l’indice d’un certain
plaisir ophulsien dont Danielle Darrieux fut plus que tout autre la victime
consentante. »
Elle tourne alors avec les plus
grands acteurs de l’époque Jean Gabin,
Jean Marais, Jeanne Moreau, Bourvil,
Fernandel, Louis de Funès, Alain Delon, Jean-Claude Brialy, Michèle Morgan, Michel Piccoli… Elle donne la réplique à Gérard Philipe dans deux adaptations de classiques de la
littérature, en amoureuse éplorée dans Le Rouge et le Noir (1954) de Claude Autant-Lara d’après Stendhal et
en femme d’affaires mêlant autorité et séduction dans Pot-Bouille (1957) de Julien Duvivier d’après Zola, deux
énormes succès. Sous sa direction, elle est entourée d’acteurs comme Paul Meurisse, Lino Ventura, Serge Reggiani, Bernard Blier… dans un huis clos
dramatique, Marie-Octobre (1959). Elle tournera encore avec Marcel L'Herbier, Sacha Guitry,
Christian-Jaque, Marc Allégret, Henri Verneuil…
Elle chante et danse dans une
comédie musicale aux côtés de Jane
Powell dans Riche, jeune et jolie. Elle est choisie par Joseph Mankiewicz pour incarner la
comtesse Anna Slaviska dans L'Affaire Cicéron avec James Mason, elle joue également la
mère de Richard Burton (pourtant son
cadet de 7 ans seulement) dans Alexandre le Grand (1956) de Robert Rossen.
Elle tourne alors avec les plus
grands acteurs de l’époque Jean Gabin,
Jean Marais, Jeanne Moreau, Bourvil,
Fernandel, Louis de Funès, Alain Delon, Jean-Claude Brialy, Michèle Morgan, Michel Piccoli…
Les années 1960 et au-delà
La nouvelle vague la fait
tourner, Claude Chabrol dans Landru
(1962) et Jacques Demy dans Les Demoiselles de Rochefort (1967). Elle reste, dans cette comédie
musicale, la seule comédienne non doublée au chant.
Parallèlement, elle retourne au
théâtre. Après avoir fait ses débuts en 1937 dans une pièce d’Henri Decoin, Jeux dangereux et
quelques pièces au cours des deux décennies suivantes (Sérénade à trois de Noel Coward, Faisons un rêve de Sacha Guitry…), Françoise Sagan, scénariste du Landru de Chabrol, lui offre un rôle
en or en 1963, dans La Robe mauve de Valentine.
Dominique Delouche, jeune cinéaste, la sollicite pour deux films, Vingt-quatre
heures de la vie d'une femme (1968), un film que Max Ophüls voulait déjà tourner avec elle et Divine (1975), une
comédie musicale.
Jacques Demy reprend le projet d’un film abandonné sept ans plus
tôt, Une
chambre en ville. Apprenant cela, Danielle
Darrieux contacte le réalisateur, démarche qu’elle n’avait jamais
entreprise pour aucun film, en espérant interpréter la baronne Margot Langlois,
rôle prévu auparavant pour SimoneSignoret. Demy, qui s’était toujours promis de retrouver l’actrice, n’osait
pas la solliciter pour incarner le rôle d’une alcoolique. Danielle Darrieux effectue son retour pour ce film, un drame social
entièrement chanté (seule elle et Fabienne
Guyon chantent avec leur propre voix), succès critique mais échec public.
Paul Vecchiali la dirige dans En haut des marches (1983). Elle y
incarne le premier rôle d’une institutrice, très proche de la propre mère du
cinéaste, qui revient à Toulon quinze ans après la guerre et affronte les
souvenirs liés à la mort de son mari, accusé de collaboration et assassiné à la
Libération. Elle y chante trois chansons. Danielle Darrieux avait déjà fait une
apparition dans son premier film Les Petits drames et le retrouvera
plus tard dans un téléfilm de 1988 avec Annie
Girardot, Le Front dans les nuages.
André Téchiné, après un projet avorté Les Mots pour le dire,
parvient à réunir Catherine Deneuve et Danielle Darrieux dans Le
Lieu du crime (1986).
Par la suite Benoît Jacquot lui donne le rôle d'une vieille excentrique qui veut
venger la mort de son amie dans Corps et biens, Claude Sautet la hisse en directrice d’une chaîne de magasins, mère
de Daniel Auteuil dans Quelques
jours avec moi, puis elle retrouve deux amies complices de toujours, Micheline Presle et Paulette Dubost, dans Le
Jour des rois.
Danielle Darrieux redouble d’activité dans les années 2000, outre
le succès au théâtre avec Oscar et la Dame rose, François Ozon lui
fait tourner son 106e film, qui marque ses soixante-dix ans de carrière, et en
fait l'une des suspectes de Huit Femmes. Mère de Catherine Deneuve pour la troisième
fois, elle y chante le poème d'Aragon mis en musique par Georges Brassens, Il n'y a pas d'amour heureux.
En 2006, Danielle Darrieux joue
un premier rôle dans Nouvelle chance d'Anne Fontaine aux côtés d'Arielle Dombasle et à 90 ans elle est
la victime du film L'Heure zéro adaptation d’un roman d’Agatha Christie. En 2008,
elle prévoit de remonter une dernière fois sur scène pour jouer La
Maison du lac aux côtés de Jean
Piat mais une chute lors des dernières répétitions l'amène à renoncer à ce
projet. En 2009, à 92 ans, elle accepte de tourner dans le nouveau film de Denys Granier-Deferre intitulé Une
pièce montée au côté de Jean-Pierre
Marielle.
Prix et distinctions
Danielle Darrieux est chevalier
de la Légion d'honneur et officier de
l'ordre des Arts et des Lettres.
- 1955 : Victoire de la meilleure actrice
- 1958 : Victoire de la meilleure actrice
- 1955 : Étoile de cristal de la meilleure actrice pour Le Rouge et le Noir
- 1985 : César d'honneur
- 1997 : Molière d'honneur
- 2003 : Molière de la comédienne pour Oscar et la Dame rose
- 2010 : Globe de cristal d'honneur
Un hommage lui a été rendu à la
Cinémathèque française à Paris du 7 janvier au 2 mars 2009, avec une
programmation spéciale de plus de 90 films de sa filmographie. En 2010, sa
carrière a été couronnée d’un Globe de
Cristal d'honneur. Un autre hommage lui a été rendu par Michel Drucker dans
l'émission Vivement dimanche
enregistrée le 24 février 2010, au cours de laquelle elle était entourée d'amis
tels que Paulette Dubost et Charles Aznavour.
[1]
La Continental-Films, dite Continental, est une société de production
cinématographique française financée par des capitaux allemands. Créée en 1940
par Joseph Goebbels et dirigée par Alfred Greven, elle produit une trentaine de
longs-métrages entre 1941 et 1944 (dont certains comme La Main du diable et Le
Corbeau sont devenus des classiques français) avant de disparaître à la
Libération.
Ah Danielle, 99 ans et quelques mois. Une grande dame qui dit aimer la vie. Merci Roland pour ce billet. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerMerci à toi, Dasola, pour ton commentaire qui me montre que tu suis toujours ce que j'écris. C'est en effet une grande dame du cinéma, une merveilleuse actrice.
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