Poetry est un film dramatique sud-coréen écrit et réalisé
par Lee Chang-Dong, sorti en 2010.
L’histoire
Des enfants jouent au bord d'une
rivière. Un objet flotte lentement sur l'eau boueuse. Dans un premier temps, on imagine que c'est un tronc d'arbre mais, lorsque l'objet se rapproche, on comprend que c'est le cadavre d'une collégienne.
Nous sommes en Corée du Sud.
Une grand-mère, Mija, habillée comme une première communiante, va consulter un
médecin pour des problèmes de douleur à l'épaule. Le médecin n'y attache pas
grande importance mais décèle chez elle une maladie beaucoup plus grave, un
début d'Alzheimer et il lui conseille, pour retarder la progression de la
maladie, de faire des exercices pour développer sa mémoire. Mija s'inscrit donc
à des cours de poésie (d'où le titre, "poetry" signifiant
"poésie").
Mija élève seule son petit-fils,
Wook, un gamin mutique et antipathique, que sa fille, qui travaille ailleurs et
dont on ne sait rien, lui a confié. Dans un minuscule appartement où ils
cohabitent, elle lui prépare ses repas, lui lave ses vêtements alors que lui
n'a rien de plus pressé que de s'enfermer dans sa chambre et de jouer avec son
ordinateur ou rejoindre ses copains.
Pour gagner sa vie et nourrir
Wook, Mija, bien qu’elle ait largement dépassé l’âge de la retraite, travaille.
Tous les jours, elle se rend chez un vieil homme paralysé et hargneux, qu'elle
lave et chez qui elle fait le ménage (on comprend dès lors pourquoi elle a des
problèmes d'épaule !)
Soudain, comme un coup de
tonnerre dans un ciel du plus bel azur, la nouvelle tombe : la jeune-fille
retrouvée morte dans le fleuve s'est suicidée car elle était victime, depuis
plus de 6 mois, de viols répétés de la part des élèves de son collège. Or, le
petit-fils de Mija, Wook, se trouve mêlé à cette histoire. Mija apprend
l'horrible vérité de la bouche d'un autre des parents. Il ne lui vient pas à l'idée de discuter, de mettre en question une minute la véracité des faits car elle sait bien que cela s'est réellement passé et que Wook est coupable.
Invitée, seule
femme parmi des pères, pour discuter des modalités destinées à dédommager pécuniairement
la mère de la jeune-fille, une pauvre paysanne qui vit loin de la ville. Chacun
doit verser une forte somme d'argent à la mère de la victime. Les autres sont des hommes d'affaire, des
commerçants aisés... Mija, elle, n'a pas l'argent et ne sait pas où trouver l'énorme somme qui lui est réclamée. En femme simple, d'une honnêteté scrupuleuse et
d'une morale absolue, Mija est révoltée par ce qu'elle apprend et la manière
dont réagissent les autres, mais comme elle n'a pas d'autre solution, elle se
range à leur décision car elle n'a rien d'autre à proposer.
Malgré tout, comme dans une vie
parallèle, elle continue à vivre comme si de rien n'était, préparant les repas
de Wook, continuant ses ménages, ses cours de poésie... Elle tente une seule fois
de parler à Wook et de le faire réagir mais sa tentative est un échec. Elle
tente aussi de rencontrer la mère de la jeune-fille pour s'excuser ou négocier,
mais elle ne va pas jusqu’au bout. On est dans le non-dit, dans une société
qui, bien qu'elle semble, par sa technologie, plus avancée que la nôtre, paraît
aussi moralement figée dans une dimension intermédiaire entre le Moyen-âge et
un futur proche que l’on n’envie pas.
Finalement, pour trouver la somme
qu'elle s'est engagée à payer, Mija se résout à se prostituer mais, lorsque tout est terminé, elle rentre
chez elle et elle dénonce son petit-fils à la police.
Une fois que tout cela est
terminé, elle rend le poème que leur avait demandé de produire leur professeur
de poésie avant la fin du mois et on la voit, pour la dernière fois, contempler
l'eau qui coule sous le pont d'où s'est jetée la jeune-fille. On comprend alors
que, son devoir accompli, elle en a fini avec la vie.
J'ai toujours eu du mal avec les
films asiatiques. Je ne suis allé voir celui-là que parce que plusieurs de mes
amis me l'avaient recommandé et que les critiques étaient excellentes. C'est en
effet, esthétiquement parlant, un très beau film, tout en esquisses. En le
voyant, on a l'impression de voir un poème s'écrire devant ses yeux, mais un
poème tragique, douloureux. Mija, avec sa candeur et sa faiblesse, cette sorte
de fragilité et de pureté qui fait aussi sa force, est émouvante autant que la
société dans laquelle elle vit est répugnante. En effet, cette société, sous
ses aspects soignés et policés - on ne peut se rencontrer sans un sourire
accompagné d'une courbette - est, dans son hypocrisie, abjecte, et bien pire
que la nôtre, qui n'est déjà pas un modèle ! Ce qui m'a le plus choqué dans le
film, ce n'est pas la scène où Mija se livre au vieil homme pour de l'argent,
mais celle où la mère de la jeune-fille morte se roule au sol aux urgences de
l'hôpital sans que personne ne fasse le moindre geste pour la réconforter,
comme si ces gens, corsetés dans des traditions artificielles depuis des générations,
étaient figés dans le temps et n'avaient pas compris que le monde dans lequel
ils vivaient a changé.
Certes, Yoo Jeong-hee, l'actrice qui incarne
Mija est magnifique, les cours de poésie (après ce film, on ne regardera plus
une pomme ou un arbre de la même façon...) et les images donnent-elles envie de
rejoindre cette pureté d'un paradis perdu, comme dans un rêve inaccessible.
Mais ici, le rêve, malgré ses aspects feutrés, tranquilles, est en fait un
cauchemar comme souvent, il est vrai, le sont aussi les rêves...
Curieusement, je n'ai pas été ému
par ce film. Il ne m'a pas "parlé". On ressort de "Poetry"
plus meurtri et révolté qu'apaisé et l'on se dit qu'où qu'on soit en ce
bas-monde, le mal est toujours présent, hélas, qu'on veuille ou non l'inviter à
sa table, et que c'est l'être humain qui en est le principal responsable.
Le film a été sélectionné en
compétition officielle pour le Festival de Cannes 2010 où il a obtenu le Prix
du scénario. Personnellement, j'aurais aussi donné un prix d'interprétation à
l'actrice pour son jeu tout en finesse et en retenue.
Bonjour Roland, moi qui apprécie pas mal les films asiatiques de ces dernières années, celui-ci m'a laissée perplexe. Vraiment pas été sensible (comme toi). Bonne après-midi.
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