Liberté, également titré Korkoro
en romani est un film français, réalisé par Tony Gatlif, sorti en 2010.
Synopsis
En 1942, une famille tsigane
arrive comme chaque année dans un village du centre de la France pour faire les
vendanges. Pendant leur voyage, ils ont recueilli un jeune orphelin, P’tit
Claude (Mathias Laliberté). Les lois
de l’époque (datant de 1912, elles resteront en vigueur jusqu’en 1969 !!!),
imposaient aux "gens du voyage" de faire apposer un visa sur le carnet anthropométrique dont ils ne devaient jamais
se séparer, dès leur arrivée dans une commune française. C’est ce qu’ils font
dès leur installation dans le village de Saint-Amand, mais, depuis leur dernier
séjour, de nouvelles lois encore plus restrictives, édictées par le régime de
Vichy, sont entrées en vigueur. Elles condamnent les nomades à choisir entre la
sédentarisation ou l’internement. Les carnets anthropométriques, même à jour,
ne suffisent plus à les protéger de la déportation et de l’extermination.
Le maire du village, Théodore (Marc Lavoine), qui est aussi
vétérinaire, aidé par l’institutrice et secrétaire de mairie, Melle
Lise Lundi (Marie-José Croze)
essaient de les protéger. Théodore adopte le P’tit Claude comme s’il était son
propre fils. Melle Lundi
propose aux enfants gitans qui acceptent de venir à l’école pour
apprendre à lire. Trois d’entre eux, seulement, viennent, dont Taloche (James Thiérrée), un tsigane adulte mais
simplet et fantasque.
Un jour, en se rendant au
campement de ses amis gitans, P’tit Claude le trouve déserté. Les gitans ont
tous été raflés par la police française et enfermés dans un camp provisoire
d’où ils risquent d’être déportés. Pour les sauver, Théodore décide de les
rendre propriétaires d’une maison et d’un terrain qui lui viennent de sa
famille. Leur « sédentarisation » doit leur permettre d’être libérés mais les
Tsiganes emménagent à contrecœur dans les bâtiments délabrés car cela s’oppose
à toutes leurs traditions de liberté et à leur terreur des « fantômes » qui,
selon leurs croyances, habitent les lieux habités par les gadjos.
Taloche, très près de la nature,
a une prévention particulièrement exacerbée contre cette vie qu’on les oblige à
vivre. Malgré les manifestations de racisme et les préjugés de certains
villageois, Théodore résiste. Hélas, Mademoiselle Lundi est arrêtée par la
Milice pour avoir établi de fausses cartes d’identité pour les résistants. En
tant que maire du village, Théodore est aussi arrêté pour complicité. P’Tit
Claude n’ayant plus d’endroit où aller, il rejoint ses amis gitans qui décident
de fuir le village et de trouver refuge dans la forêt où ils seront finalement
débusqués, arrêtés, et déportés.
Distribution
- · Marc Lavoine : Théodore Rosier
- · Marie-Josée Croze : Mademoiselle Lundi
- · James Thiérrée : Félix Lavil dit Taloche
- · Rufus : Fernand
- · Carlo Brandt : Pierre Pentecôte
- · Mathias Laliberté : P'tit Claude
- · Bojana Panić : Tina
- · Arben Bajraktaraj : Darko
A savoir
Tony Gatlif qui, depuis son 4ème
film, Corre Gitano (1981), n'a cessé d'aborder le thème des gitans,
est né en Algérie, d'un père kabyle et d'une mère gitane, et il est arrivé en
France durant la guerre d'Algérie, en 1960.
Le film traite d’un épisode
largement méconnu de la 2ème Guerre mondiale, la persécution des
Tsiganes par les autorités de la France de Vichy, en collaboration avec les
occupants nazis. Bien que les chiffres soient imprécis, les historiens s’accordent
sur le fait qu’entre 250.000 et 500.000 tsiganes, sur les 700.000 qui vivaient
en Europe avant la 2nde Guerre mondiale, auraient été exterminés. En
France, entre 1940 et 1946, entre 3000 et 4000 tsiganes auraient été internés
dans 27 camps. Le film s'inspire par ailleurs de la vie de la résistante Yvette
Lundy, institutrice et secrétaire de mairie à Gionges (Marne) qui, déportée à
Ravensbrück pour avoir fait de faux papiers, a survécu. Après la guerre, elle
est devenue députée du Nord. Elle intervient toujours régulièrement dans les
établissements scolaires pour témoigner de son combat.
Le rôle du gitan Taloche est
interprété par James Thiérrée,
acteur, danseur, metteur en scène, musicien et acrobate, qui a vécu toute son
enfance dans le milieu du cirque. Il est le petit-fils de Charlie Chaplin.
Le film a été tourné dans la
Loire, dans les monts du Forez, dans les environs de Rozier-Côtes-d'Aurec et de
Saint-Bonnet-le-Château. Il a bénéficié de l’aide de la Région Rhône-Alpes.
Récompenses
- · Festival international du film d'histoire de Pessac 2009 : Prix du public.
- · Festival des films du monde de Montréal 2009 : Grand Prix des Amériques, Mention spéciale du prix du jury œcuménique, Prix du public
Je ne sais pas si ce film a
obtenu d'autres récompenses et si les acteurs, tous excellents, ont été
distingués comme ils l'auraient dû. L'interprétation du chanteur Marc Lavoine, qui, depuis son
adolescence, a toujours voulu faire du cinéma et dont c'est le 5ème
film, est remarquable de retenue et de justesse. Mais c'est surtout
l'extraordinaire prestation de James
Thiérrée qui impose la personnalité du gitan Taloche, littéralement
"fou" de liberté, que l'on doit remarquer. Mathias Laliberté (10 ans au moment du tournage), en petite bête
traquée, est particulièrement émouvant avec ses
grands yeux limpides. Il deviendra certainement un grand acteur. Et puis il y a toute la famille des gitans,
dont la plupart ne sont pas des acteurs professionnels, dont l'intensité du jeu
est proprement stupéfiante.
Musique
La musique, qui est une des
composantes essentielles de ce film, comme de la plupart des oeuvres du même
réalisateur, a été composée par Tony Gatlif lui-même et l'émouvante chanson du
générique est interprétée par Catherine
Ringer, la talentueuse chanteuse des Rita Mitsuko.
Mon opinion
J'avais regretté de n'avoir pu
voir ce film lors de sa sortie au cinéma. C’est une belle œuvre
cinématographique et humaine, qui m'a touché au plus profond de moi, non seulement par son propos mais aussi par sa réalisation impeccable, bien loin des pseudo-films de réalisateurs plus connus. C'est aussi une histoire qui commence et qui finit mal, hélas, par la fuite éperdue
des Tsiganes épris de liberté.
On ressent physiquement, à travers
le regard du réalisateur, leur terreur de l’enfermement et leur amour de la
nature, des éléments (l’eau, le vent…) et des animaux avec lesquels ils vivent
en symbiose. Les priver de cette liberté est les contraindre à une mort
spirituelle et psychologique sans doute encore plus meurtrière que celle qui
les attendait dans les camps.
C'est pourquoi on ne peut
qu'avoir été doublement choqués et révoltés par les déclarations anti-Roms de M. Nicolas
Sarkozy, cet été à Grenoble, qui démontrent un mépris absolu de ces faits (car
on ne peut imaginer qu'il n'en soit pas informé !) dont la France devrait au
contraire s'excuser auprès du peuple Rom. En tant qu'ethnologue, humaniste et
républicain, je ne peux que dénoncer une attitude indigne d'un président de la
République française auquel la Constitution fait obligation de défendre les
valeurs de la France, au premier rang desquelles la Liberté.
PS : J’avais écrit cette chronique en décembre 2011. Je
comptais beaucoup que l’arrivée, en 2012, de François Hollande au pouvoir
change la vision officielle des Roms. Non seulement il n’en a rien été mais l’attitude
de Manuel Valls en tant que ministre de l’Intérieur a été pire que celle de
Nicolas Sarkozy lorsqu’il était au pouvoir. Je suis écœuré que des personnes
qui se disent socialistes aient pu, soit pour des raisons électoralistes, soit
par conviction, à ce point ignorer l’histoire des Roms et leurs souffrances et
les traiter d’une manière aussi abjecte.
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