samedi 13 septembre 2014

LE ROI DES AULNES de Volker Schlöndorff (D-F-GB 1996)


Le Roi des aulnes (en allemand : Der Unhold, anglais : The Ogre) est un film germano-franco-britannique de Volker Schlöndorff, sorti en 1996 adapté du roman de Michel Tournier qui obtint le Prix Goncourt en 1970.

Synopsis

L'histoire est celle d'Abel Tiffauges (John Malkovich) dont on suit le destin tragique depuis son enfance malheureuse au pensionnat Saint-Christophe où son seul ami est Nestor, le fils du concierge, qui le protège de ses camarades qui le malmènent, jusqu'au moment où il est enrôlé comme soldat pendant la Seconde Guerre mondiale.

Au début de la guerre, Abel, colombophile passionné, élève des pigeons voyageurs dans l'armée en Alsace. Son unité est faite prisonnière par les Allemands et il est transféré dans un camp de travail en Prusse-Orientale (Nord-Est de la Pologne) où, bien entendu, ses précieux pigeons servent de repas à ses camarades de camp. Emprisonné d'abord dans le camp de Moorhof, Abel est recruté par un officier allemand qui en fait le garde de l’un des domaines de chasse de Göring au château de Rominten. L’arrivée du Fieldmarshall, que l'on surnomme "l'ogre de Rominen" est marquée par des fêtes aussi somptueuses qu'extravagantes, dignes de la Rome décadente, où l'on mesure la mégalomanie de ce sinistre personnage qui règne sur ses subordonnés par la terreur, faisant abattre ou envoyer sur le front de l’Est quiconque a le malheur de lui déplaire.

Or, miraculeusement, Tiffauges, alors que son destin aurait dû faire de lui l'une des victimes toute désignées de Göring, entre dans les grâces de l'abject personnage et, grâce à sa protection, se retrouve au château de Kaltenborn. Cette forteresse, située à la frontière avec le front de l'est, a été transformée en école paramilitaire où l'on forme les enfants sélectionnés selon des critères raciaux pour devenir l’élite de la future armée du IIIe Reich. 

Là, Tiffauges s'épanouit et prend sa revanche sur la vie, devenant à son tour « l'ogre de Kaltenborn » : à la tête d'une meute de chiens, il part  littéralement à la chasse aux enfants des paysans des alentours qu'il enlève pour les amener au château et en faire des soldats.

Là, les enfants, bien qu’astreints à des exercices militaires quotidiens, sont par ailleurs soignés, bien nourris et bien traités. A ce moment-là, Tiffauges fait ce qu'on attend de lui sans se poser de questions : il ignore que « ses » enfants sont voués à la mort puisqu'ils sont formés pour défendre la forteresse contre les chars de l'armée soviétique qui va arriver bientôt.

Lors de l'attaque de la forteresse, Tiffauges essaie maladroitement de les sauver mais, comme des chiens enragés, ils se retournent alors contre lui. Bien que blessé, pratiquement aveugle, il sauve néanmoins Ephraïm, un petit garçon juif échappé d'un camp lituanien, et, comme saint Christophe, il le porte sur son dos à travers les marais pour échapper à la bataille qui fait rage dans la forteresse pilonnée par l'armée russe.

Mon opinion sur ce film

Le film est fidèle au roman que j’avais lu, en son temps. Le livre tire son titre « Le Roi des Aulnes » d’un poème de Goethe qui commence ainsi : 

« Qui chevauche si tard dans la nuit et le vent ?/ C'est le père avec son enfant/Il serre le jeune garçon dans ses bras/Il le tient au chaud, il le protège (…) »

Le personnage de Tiffauges est ambigu et inquiétant, beaucoup plus encore d'ailleurs dans le livre qu’il ne l’est dans le film. On a beaucoup reproché à Michel Tournier les tendances pédérastiques de son personnage qui, cependant, même s'il semble attiré par les enfants, ne passe jamais à l'acte. Paradoxalement, alors qu’il est plutôt attiré par les garçons que par les filles, c’est une fille qui, au début du roman, précipite sa chute en l’accusant d’attouchements dont il est innocent. En fait, le personnage de Tiffauges tel que l’a imaginé Tournier, est l'innocence incarnée. Il n’a, en lui, aucune méchanceté, aucune noirceur. Son innocence est réelle car s'il fait le mal, il n'en a nulle conscience. Abel est à la fois une victime (de ses camarades à l’Institution Saint-Christophe, de ses camarades prisonniers qui lui tuent ses chers pigeons pour les manger…) et un bourreau (son attitude de soumission abjecte envers les Allemands est plus animale qu'humaine) avant qu'il ne comprenne lors de l'ultime scène de la prise de la forteresse que le rôle qu'il a joué est indigne d'un être humain et qu'il choisisse de redevenir humain au péril de sa vie et dans le seul but de sauver "ses" enfants.

Néanmoins, le film comme le roman  mettent terriblement mal à l’aise. Certes, tous les films sur cette période, particulièrement lorsqu'ils traitent de l'abjection absolue du IIIème Reich, ne peuvent que développer, chez un spectateur normalement constitué, qu'une violente réaction de rejet.

Je reconnais cependant que John Malkovitch (qui est un acteur que je n’aime généralement dans aucun de ses rôles) est ici au top de son jeu d'acteur et qu'il se glisse admirablement dans le rôle de Tiffauges.

Dans la 2ème partie, j’ai aussi  retrouvé avec joie l'immense et lumineuse Marianne Sägebrecht, la charismatique héroïne de Bagdad Café, une actrice beaucoup trop rare et que l'on aimerait voir plus souvent. Dans ce film, même si elle a un rôle mineur, celui de la gouvernante attentionnée et bienveillante de la forteresse de Kaltenborn où elle apporte aux enfants l'amour et la tendresse qu'ils n'ont pas eue ou dont ils ont été brutalement privés, on ne saurait l'ignorer tant elle rayonne de bonté.

On doit aussi saluer la prestation extraordinaire de l’acteur allemand Volker Spengler qui incarne avec tellement de justesse la folie et la démesure de Göring que l’on croit presque voir, quand on le voit dans ce rôle, des images d’archives.

Bien qu’il soit classé « tous publics », je déconseille cependant de montrer ce film à des enfants ou de jeunes adolescents tant il est dérangeant et déstabilisant, plus par son ambiance trouble que par les scènes que l'on y voit, dont aucune n'est, en soi, véritablement choquante. 

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