Le Transperceneige est un film américano-coréen
de SF de Bong Joon-ho (2013). Le film est adapté d’une bande dessinée française
du même nom créée par Jacques Loeb et Jean-Marc Rochette et publiée, à partir
de 1982 dans le magazine A suivre, puis sous forme de 3 albums par Casterman, de
1984 à 2000.
Synopsis
Ne vous fiez pas à la poésie du
titre. Ici, le Transperceneige n’est pas une fleur qui apparaît sous la neige
de printemps, mais un train fou qui parcourt sans s’arrêter une planète gelée. Après
une manipulation du climat censée lutter contre le réchauffement climatique, la
Terre s’est retrouvée confrontée à une nouvelle ère glaciaire. Les seuls
humains qui ont survécu sont enfermés dans un train, selon une rigoureuse
hiérarchie : les pauvres sont en queue du train où ils vivent
misérablement, au centre sont produites les protéines artificielles à base d’insectes.
On y trouve aussi les réserves d’eau, produite par le recyclage permanent de la
neige et de la glace avalée par l’avant du train, ainsi que des serres
hydroponiques et un aquarium géant. En tête du train se trouvent les riches qui
vivent dans l’opulence. Au fond, rien que de très classique depuis que le monde
est monde.
Mais la révolte gronde. Elle est
conduite par un vieux sage, Gilliam (John Hurt), Curtis (Chris Evans,
méconnaissable) et Edgar (Jamie Bell). Ensemble, ils parviendront, bravant la
répression sans pitié de Wilford (Ed Harris), le concepteur du train, sorte de
capitaine Nemo des glaces, en tête du train. Mais leur victoire est une
victoire à la Pyrrhus car il reste dans le train bien peu de survivants et,
malgré le réchauffement qui s’amorce, on se demande ce que va devenir Yona et l’enfant
qu’elle a sauvé.
Mon opinion sur ce film
Quoique dans un autre contexte, on
n’est pas loin, avec Le Transperceneige, des situations décrites dans Time out
ou, plus récemment, le pas très réussi Elysium : une société à deux
vitesses ou quelques « élites » règnent d’une poigne de fer sur le
reste d’une humanité ravalée au rang de quasi-animaux. Encore, dans ces deux
films, les humains exploités ont-ils un rôle puisqu’ils produisent les
richesses nécessaires au bien-être (et plus) des puissants. Rien de cela dans
Transperceneige où on se demande bien pourquoi Wilford s’embarrasse de cette
sous-humanité qu’il méprise. Ne cherchons pas la vraisemblance.
Alors, qu’est-ce qui fait que ce
film retient l’attention ? Ce n’est pas par son atmosphère qui,
paradoxalement, est plus prégnante dans une série à petit budget comme La Compagnie des glaces, ou dans le film catastrophe de Roland Emmerich Le jour d’après,
mais par la beauté formelle de certaines scènes (les combats entre
rebelles et forces de l’ordre sont filmés comme des ballets au ralenti - on
pense à Matrix) ou de certaines images (le flocon de neige qui apparaît devant
les yeux de Namgoong Minsu, les interminables paysages gelés, etc.) Cette
esthétique qui est la patte de Bon Joon-ho, n’empêchant cependant ni la cruauté
des situations où personne n’est épargné (même pas les héros – on avait l’espoir
qu’Edgar (Jamie Bell) parvienne au moins à la tête du train, ou des enfants sacrifiés dans les entrailles
de la machine), ni les scènes de violence (justifiée) dont certaines sont
dignes des pires films gore.
Au-delà du pamphlet écologique (à
mon avis beaucoup plus efficace dans Le jour d’après), de la critique sociale (les
inégalités tellement insupportables qu’elles conduisent au massacre des
puissants), il faut aller voir ce film plus pour sa beauté formelle que pour
son contenu, à condition toutefois de ne pas trop craindre l’hémoglobine ni les
membres coupés.
Un mot sur les acteurs
Presque méconnaissables sous
leurs oripeaux et leur crasse, on doit saluer leur prestation :
- John Hurt (Gilliam) en vieux
sage au corps martyrisé,
- Chris Evans (Curtis), qui, loin
d’être le héros triomphant, doute jusqu’à son dernier souffle,
- Jamie Bell (Edgar) en compagnon
sacrificiel,
- Song Kang-ho (Namgoong) dont la
force quasi-mutique est impressionnante
- et surtout Tilda Swinton, enlaidie
au point d’en être méconnaissable dans le rôle du garde-chiourme sadique,
lieutenant du maître du train. On la déteste tellement qu’on a envie d’applaudir
lorsqu’enfin elle rend son dernier souffle.
Quelques autres informations
Le film a été tourné en Hongrie
et en République Tchèque. On pourrait croire que c’est pour des raisons financières. Eh bien, non. C’est pour
des raisons techniques, la Corée du Sud n’ayant pas de studios assez grand pour
filmer un train faisant près d’une 100e de mètres de long (le
tournage a eu lieu aux studios Barrandov à Prague, le studio le plus long d’Europe).
Les images de paysages enneigés ont été filmées au Tyrol autrichien. 25 wagons
ont été construits dont un de 25 mètres, ce qui, en fin de compte, équivaut à
une longueur totale de plus de 500 mètres.
[Pour plus d'informations, consulter Snowpiercer, le Transperceneige, sur Wikipedia]
Intéressant, le parallèle entre les univers d'Elysium et de Snowpiercer (je n'ai pas vu Time out). Merci.
RépondreSupprimerPour ce qui concerne le "pourquoi s'embarrasser des passagers des wagons de queue?", la BD donnait une explication: dans ces wagons-là rajoutés au dernier moment se trouvaient des réserves de vivres, il n'y était pas prévu de passagers - ils ont été ont pris d'assaut au moment du départ.
Bonjour Roland, merci pour ce billet très complet qui j'espère convaincra des spectateurs à aller voir le film. Je l'ai trouvé très bien fait. Bonne fin d'après-midi.
RépondreSupprimerLa puissance du livre revue par un cCoréen déjanté. Formidable !
RépondreSupprimerBonjour Roland, merci pour toutes les précisions techniques de la fin de ton billet que j'ignorais. Bonne après-midi.
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