Dune de Jodorowski – Arte
Avec ses principaux artisans,
dont le cinéaste, retour sur l'adaptation grandiose, mais avortée, du célèbre
roman de science-fiction de Frank Herbert par Alejandro Jodorowsky. Une
ébouriffante plongée dans la contre-culture des années 1970, sortie en salles.
En 1974, le producteur français
Michel Seydoux donne carte blanche au cinéaste d'origine chilienne Alejandro
Jodorowsky, auquel ses extravagants films métaphysiques (El topo, La montagne
sacrée) ont valu un statut d'auteur culte, pour tourner une nouvelle œuvre.
"Jodo", qui ne l'a pas lu, choisit d'adapter Dune, de Frank Herbert,
paru neuf ans plus tôt et déjà considéré comme un classique de la
science-fiction. Convaincu, comme il l'explique ici, qu’il peut "créer
quelque chose de sacré" qui "changerait le monde" à l'égal d'un
"prophète", il entreprend de réunir des disciples animés de la même
flamme artistique. À l'auteur de bandes dessinées Moebius, alias Jean Giraud,
il confie la mise en images du film dont il rêve, plan par plan, par le biais
d'un énorme story-board – son Dune doit durer "une douzaine"
d'heures. À son fils Brontis, encore enfant, qui incarnera le jeune héros, il
inflige un entraînement sacrificiel aux arts martiaux, "six heures par
jour, sept jours sur sept", tout en persuadant les plus inabordables des
stars mondiales (Orson Welles, Mick Jagger, Salvador Dalí…) de figurer au
casting. Il s'entoure aussi du dessinateur britannique Chris Foss, du
plasticien suisse H. R. Giger, de Dan O'Bannon, scénariste et réalisateur
d'effets spéciaux américain. Enfin, les Pink Floyd et le groupe français Magma
(un peu oublié depuis) acceptent de composer la bande-son. Mais le tournage ne
commencera jamais : sollicitées pour boucler le budget, les majors américaines
refusent, effrayées par le caractère incontrôlable du réalisateur. Puis le
producteur Dino De Laurentiis rachète les droits du roman, mettant un terme
définitif à ces deux années de gestation débridée. Dune sera porté à l'écran en
1984 par David Lynch.
Ferveur
Le Dune de Jodorowsky est-il
"le plus grand film jamais fait, bien qu'il n'existe pas", comme
l’assène le cinéaste Nicolas Winding Refn (Drive) en ouverture de ce
documentaire ? Il constitue en tout cas l'un de ces mythes qui nourrissent les
ferveurs cinéphiles. En étroite collaboration avec Jodorowsky lui-même,
délicieux conteur partagé entre mégalomanie et autodérision, l’Américain Frank
Pavich en fait revivre l'incroyable genèse. Son film virtuose, qui a récolté à
travers le monde une impressionnante moisson de prix avant de sortir en salles,
revisite le matériau considérable élaboré au fil de cette aventure collective.
À l’exception d’O’Bannon et de Moebius, décédés en 2009 et 2012, chacun des
protagonistes en fait revivre avec saveur la dimension hors norme. On découvre
aussi combien ce chef-d'œuvre non avenu a irrigué, malgré tout, la
science-fiction de son temps. D'abord parce qu’un lien fort s’est créé autour
du "gourou" : Giger et O’Bannon se retrouveront ainsi en 1979 pour
présider à l’immense succès d’Alien de Ridley Scott. Mais aussi parce que les
visions de "Jodo", promenées dans tout Hollywood par le biais du
fameux story-board, ont inspiré, consciemment ou non, nombre de faiseurs de
cinéma.
Documentaire de Frank Pavich
(France/Etats-Unis, 2013, 1h27mn)
Disponible jusqu'au 19/08/2024 sur la plateforme d'Arte.
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