dimanche 10 mars 2019

GRACE A DIEU film de François OZON (FR-BE 2019)



Grâce à Dieu est un drame franco-belge réalisé par François Ozon, sorti en 2019. Œuvre de fiction inspirée de l'affaire Preynat, le film relate le combat judiciaire mené par des victimes d'abus sexuels sur mineurs dans le diocèse de Lyon.

Présentation

Alexandre Guérin[1] (Melvil Poupaud) habite Lyon. La quarantaine, il exerce la profession de cadre bancaire, est marié et père de cinq enfants. Sincèrement catholique, comme toute sa famille, il a confiance en l’Eglise. Mais un jour, après une conversation avec un camarade jadis scout comme lui, il se remémore les abus sexuels dont il fut victime, enfant, de la part d'un prêtre pédophile, le père Bernard Preynat (Bernard Verley). Alexandre décide alors de dénoncer les agissements du prêtre auprès de Monseigneur Barbarin (François Marthouret), archevêque de Lyon. Dans un premier temps, il est mis en contact avec la psychologue de l'archevêché, Régine Maire (Martine Erhel). Après plusieurs mois et de nombreux courriels, le cardinal Philippe Barbarin le reçoit enfin : il se dit horrifié par ce qu’il apprend et lui annonce qu’il va prendre des mesures immédiates contre le prêtre fautif. Mais Alexandre découvre que, malgré l'alerte de plusieurs parents, l'Église était au courant depuis longtemps des agissements du prêtre et qu’elle n’a jamais rien fait pour l’empêcher de continuer à nuire. Au cours d’une confrontation, provoquée par Régine Maire entre Alexandre et Preynat, celui-ci, qui pourtant reconnaît ses actes, se refuse à demander pardon à sa victime. Lassé des tergiversations de l’Eglise, et constatant que le père Preynat exerce toujours ses fonctions au contact des enfants, Alexandre décide de porter plainte contre lui tout en sachant que, dans son cas, les faits sont prescrits.

Le capitaine Courteau (Frédéric Pierrot), qui reçoit sa déposition, ne lui cache pas qu’il s’attaque à forte partie. C’est pourquoi, il se met en quête d’autres victimes pour lesquelles les faits ne seraient pas prescrits. C'est ainsi qu'il rencontre François Debord (Denis Ménochet) dont la première réaction est de refuser de parler jusqu’à ce que sa mère lui montre le volumineux dossier prouvant qu’elle avait alerté l’Eglise sur l’attitude de Preynat envers son fils. Horrifié par ce qu’il découvre, il décide de témoigner devant les médias et crée, à cette fin, l'association La Parole libérée. De nombreuses autres victimes le rejoignent, dont le chirurgien Gilles Perret (Eric Caravaca) et Emmanuel Thomassin (Swann Arlaud). Mais, si Alexandre, François et Gilles ont réussi à se reconstruire et surmonter leur passé, ce n’est pas le cas d’Emmanuel, qui garde de lourdes séquelles psychologiques et physiques de son enfance. Il est néanmoins soutenu par Irène, sa mère (Josiane Balasko) qui acceptera même bénévolement de tenir le standard de l’association.

Soumis à une pression grandissante et pressé d'agir par Régine Maire, le cardinal Barbarin organise une conférence de presse. Mais, devant les journalistes, il laissera échapper cette terrible phrase :
« Grâce à Dieu, les faits sont prescrits » qui sert de titre au film.

L'association obtient la mise en examen du père Preynat, qui reconnaît les faits. Les plaignants espèrent que leur action interpellera la hiérarchie catholique.

Le film est sorti avant la condamnation, le 7 mars 2019, de Monseigneur Barbarin pour non-dénonciation d’abus sexuels à 6 mois de prison avec sursis, qui, malgré son indulgence, représente une grande victoire pour les victimes. Mais la plus grande victoire est sans doute qu’il a, dans la foulée, présenté sa démission au pape. Cependant, curieusement, le père Preynat, principal responsable des violences sexuelles, n’a pas encore été jugé bien qu’il ait toujours reconnu les faits qu’on lui reprochait.

Autour du film

Le film a été tourné en secret, sous le faux-titre « Alexandre ». Les scènes d'intérieur dans les églises ont été tournées en Belgique et au Luxembourg, pas en France.

 Avant sa sortie en salle prévue le 20 février 2019, le réalisateur François Ozon a été assigné par deux fois en référé, la défense ayant essayé d’en obtenir, sinon l’interdiction, du moins le report et le retrait de la bande sonore des noms de Régine Maire et Bernard Preynat en raison de la protection de la vie privée pour la première et de la présomption d'innocence pour le second. François Ozon se défend d'avoir établi un portrait à charge contre Régine Maire[2] et estime que son film « n’invente ni ne dit rien qui n’ait déjà été porté à la connaissance du public par la presse, les livres ou les documentaires consacrés déjà à cette affaire ». Le 18 février 2019, le tribunal de grande instance de Paris se prononce pour la sortie du film à la date initialement prévue, en relevant que le procès de Bernard Preynat n’est ni fixé ni prévu à une date proche et qu'un report « pourrait à l’évidence conduire, compte tenu des divers recours possibles, à ne permettre la sortie du film que dans plusieurs années » dans des conditions qui « porteraient atteinte à la liberté d’expression et de création » et « créeraient des conditions d’exploitation économiques insupportables ». Par ailleurs, le recours de Régine Maire, qui souhaitait que son nom soit retiré du film, est rejeté par le tribunal de grande instance de Lyon mardi 19 février 2019.

Récompenses

Le film, présenté en avant-première à la Berlinale 2019, y a été récompensé par l’Ours d’argent du Grand prix du Jury.

Mon opinion

Aucun des films que j’ai vus de François Ozon ne m’a jamais déçu. J’ai trouvé ce dernier très réussi : il s’apparente plus à un documentaire qu’à une fiction présentant des faits sans pathos et sans interprétations, laissant le spectateur juger lui-même de la gravité de ce qu’il voit. La distribution est parfaite : un grand coup de chapeau aux acteurs et plus particulièrement à ceux qui interprètent les rôles les plus négatifs, ceux du prêtre pédophile et celui du cardinal Barbarin.  



[1] Les noms des protagonistes ont été conservés mais ceux des victimes ont été modifiés.
[2] Et, en effet, après avoir vu le film, je peux témoigner que c’est le cas. Au contraire, R. Maire est présentée comme quelqu’un qui a toujours eu, depuis le début de l’affaire, une attitude impartiale, ayant tout fait pour convaincre le cardinal Barbarin de sanctionner le prêtre.  

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