The Ghost Writer est un film
franco-germano-britannique de Roman Polanski, sorti en France le 3 mars 2010.
C'est l'adaptation du roman L'Homme de l'ombre de Robert Harris, l'auteur de "Fatherland", bien antérieur à l'affaire Tony Blair (2007) mais la coïncidence relève presque de la prémonition.
Synopsis
En anglais, un "ghost writer" (mot à mot : écrivain fantôme) - souvent abrévié simplement en "ghost" (fantôme) - est ce que nous appelons, en français, un "nègre". Ewan McGregor, "nègre" à succès, est engagé pour écrire les mémoires de l'ancien premier ministre britannique, Adam Lang (joué par Pierce Brosnan).
Le ton est donné dès les premières images, tournées sur un ferry qui va accoster sur l'île de Martha's Vineyard, au large de la Nouvelle Angleterre (Etats-Unis). Tous les passagers débarquent, sauf une voiture qui reste sur le ferry... et pour cause. Son conducteur est mort noyé pendant la traversée et son corps ne sera repêché que plusieurs jours plus tard sur une plage de l'île. Le noyé avait pour nom Mike McMara. C'était le plus proche collaborateur et le "nègre" attitré d'Adam Lang. Il travaillait sur les mémoires de l'ancien premier ministre. Comme dans beaucoup de films de Roman Polanski, on ressent, dès le début, un malaise. On a peine à croire que le noyé, ivre, ait glissé sur le pont et soit tombé à l'eau sans que personne ne s'en rende compte. Un suicide, peut-être ? C'est la thèse officielle mais on en doute aussitôt...
A Londres, dans les luxueux bureaux d'une société d'éditeurs londoniens, un nouveau "nègre" (Ewan McGregor), est embauché pour poursuivre le travail interrompu. Il doit se rendre dans la villa d'Adam Lang sur une île, isolée au large de Boston (comme dans Shutter Island). C'est là que se trouvent le manuscrit et les notes de son prédécesseur. Ewan s'embarque donc pour les Etats-Unis pour se rendre sur l'île. Le premier contact est en soi menaçant : la maison avec ses formes massives de béton brut et de verre, isolée sur une lande encerclée par la mer et balayée par le vent et la pluie, entourée de clôtures électrifiées et surveillée par des gardes aussi aimables que des gardiens de prison, ressemble plus à un bunker militaire qu'à une accueillante villa de vacances.
L'intérieur hyper-design est à peine plus chaleureux que l'extérieur et ses occupants, depuis Ruth (Olivia Williams) l'épouse de Lang, jusqu'à sa collaboratice (et maîtresse), Amelia (Kim Cattrall), lisse et glacée, ainsi que le personnel qui s'occupe de la maison, sont aussi accueillants que le reste de l'environnement. Dans cet univers hostile, tout est inquiétant : les images, la couleur d'abord. Tout est filmé dans toutes les gammes de tons froids : bleu, gris, noir. La maison, malgré son luxe intérieur, fait penser à un bunker de la 2ème Guerre mondiale, et son design intérieur fait plus penser à un musée d'art moderne qu'à une maison où l'on a envie d'habiter. Comme le "ghost" - à qui on dénie toute identité (il n'a pas de nom) -, on se sent dès la première image pris au piège de la maison, de l'île, de cette histoire à laquelle on ne comprend rien, si ce n'est qu'elle recèle de lourds et dangereux secrets... On a de la peine pour Ewan car il nous paraît si sympathique et totalement désarmé face à des fauves d'autant plus dangereux qu'ils sont policés.
Ici, il s'agit d'un complot encore plus complexe. L'ancien premier ministre, Adam Lang est accusé par la Cour Internationale de La Haye d'avoir livré des terroristes présumés d'Al Quaida à la CIA qui les a fait torturer et s'est débarrassé de leur corps en les jetant depuis un avion dans l'Océan. On ne peut s'empêcher de penser à Tony Blair (Adam Lang est lui même Travailliste) et aux accusations de collusion avec la CIA pendant la guerre d'Irak qui ont été portées contre lui et qui ont précipité sa chute et celle des Travaillistes.
Excellent thriller qui m'a rappelé un autre film tout aussi haletant, La firme, où Tom Cruise, un jeune avocat aux dents longues, s'aperçoit trop tard qu'il travaille pour redoutable organisation mafieuse et qu'une fois engagé, il ne peut plus faire marche arrière ou, malgré sa fin grotesque, à L'associé du diable avec Keanu Reeves.
Il est aussi curieux de penser
que Roman Polanski a été arrêté en Suisse à la demande des Etats-Unis sous le
prétexte d'une affaire de moeurs vieille de 30 ans, alors qu'il était en pleine
postproduction d'un film qui mettait en cause la CIA, les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne. Peu après, nous avons connu l'affaire Wikileaks, bâtie à peu
près sur le même modèle, dont le fondateur, Julian Assange, a - toujours sous le
prétexte d'affaires de moeurs non prouvées - été mis sous le coup d'un mandat
d'arrêt international. Plus près de nous encore, nous avons l'affaire DSK,
toujours sous le même prétexte... La CIA manque donc-t-elle à ce point
d'imagination ??? ou a-t-elle systématiquement recours aux dérives sexuelles, réelles ou supposées, pour monter ses mauvais coups ?
Dans le cas de Polanski, qui a la
double nationalité française et polonaise, les circonstances auraient pu
empêcher ce film de sortir. Heureusement pour lui (et pour nous), le film est sorti
malgré son arrestation et sa mise en résidence surveillée en Suisse.
Le film, qui est une
co-production franco-germano-britannique n'a d'ailleurs été tourné ni aux
Etats-Unis ni en Grande Bretagne mais en Allemagne et au Danemark.
Mon opinion sur ce film
Ce film est une pure merveille et, à mon avis, le meilleur, avec Le pianiste (dans un tout autre genre) de toute la fiklmographie de Roman Polanski. Sa mise en scène ciselée au scalpel a d'ailleurs été fort justement récompensée par l'Ours d'argent du meilleur réalisateur au Festival de Berlin.
A part la qualité de la mise en
scène et de la photo, j'ai aussi beaucoup apprécié l'humour subtil (et très
anglais) des dialogues décalés qui donnent à ce film une touche supplémentaire
de raffinement. Les acteurs sont aussi excellents (Ewan McGregor, bien sûr,
Pierce Brosnan, parfait en politicien roué et beau parleur qui paraît jusqu'au bout plus victime que coupable), mais aussi Olivia
Williams (Ruth Lang, apparemment fragile et désespérée mais qui est en réalité
une manipulatrice hors pair). La plus surprenante est Kim Cattrall (la secrétaire-maîtresse d'Adam
Lang) que l'on connaît plutôt pour son rôle de Samantha dans "Sex and the
city". Elle parvient, ici, à donner l'impression d'une femme parfaitement
glaciale. Dans ce jeu de rôle, personne n'est ce qu'il prétend être, à part le
"ghost writer", victime expiatoire de ce jeu de dupes superbement
orchestré par un Roman Polanski au sommet de son art.
Ce film est celui d'un grand
réalisateur à la maîtrise exceptionnelle. On y retrouve tous les leit-motivs de
l'univers paranoïaque de Polanski au premier chef desquels le huis clos et
l'enfermement, la menace voilée et non clairement désignée, le complot,
l'ambiguïté, la duplicité...
Dans le même esprit :
- La firme de Sydney Pollack (1993)
Bonjour Roland, je confirme que c'est un film brillantissime avec une mise en scène virtuose: un chef d'oeuvre. Bonne journée.
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