J'ai appris aujourd'hui [1ère
publication de ce billet 25 janvier 2012] la mort à 76 ans, du cinéaste grec Theo
Angelopoulos, mardi 24 janvier au soir, après avoir été renversé par une moto
dans une rue du Pirée alors qu'il tournait son dernier film, intitulé L'autre
mer.
C'est un coup dur de plus pour la
Grèce, qui souffre terriblement depuis la mise sous tutelle de son économie par
le FMI et l’Europe en 2010, car elle vient de perdre son plus grand cinéaste.
Theo Angelopoulos, de son vrai nom Theódoros Angelópoulos (en grec : Θεόδωρος
Αγγελόπουλος) était né à Athènes le 27 avril 1935. Il y est mort dans un accident stupide le 24
janvier 2012.
Après avoir commencé par des
études de droit à Athènes, Theo Angelopoulos vient à Paris en 1961. Il étudie
d'abord à la Sorbonne la philosophie et le cinéma. L'année suivante, il entre à
l’IDHEC (aujourd'hui La Fémis). Il en est renvoyé pour « non conformisme » dès
la fin de sa première année mais tourne avec des condisciples de l'IDHEC sa
première œuvre En noir et blanc qui ne sera jamais terminée par manque de
moyens.
De retour à Athènes, il devient critique cinématographique au quotidien
Demokratiki Allaghi de 1964 à 1967 jusqu’au coup d’État des Colonels du 21
avril 1967.
Entre 1970 à 1980, son cinéma est
marqué par la dénonciation de la dictature des colonels. La trilogie, débutée en
1972 par Jours de 36, poursuivie trois ans plus tard avec Le Voyage des
comédiens puis achevée en 1977 par Les Chasseurs évoque la mise en place du
régime du 4-Août de Ioánnis Metaxás, puis les années d'occupation et de guerre
civile et enfin la domination politique de la bourgeoisie choisissant la
dictature des colonels par peur du communisme, avec les conséquences que l’on
sait pour la démocratie grecque.
En 1980, son Alexandre le Grand renverse le point de vue et s'intéresse à
la dérive dictatoriale de l'idéologie socialiste confrontée aux exigences de
l'exercice du pouvoir.
Après le retour de la démocratie
en Grèce, Angelopoulos réalise des films plus introspectifs et difficiles pour
le grand public (Voyage à Cythère 1983, L’Apiculteur 1986 et Paysage dans le
brouillard 1988) mais le discours politique est toujours sous-jacent à
l'expérience individuelle et intérieure. Devant l’échec de la gestion de son
pays par le Pasok (socialiste) de Papandreou, Angelopoulos pense que, si la
politique ne peut transformer le monde, l'enfance sera capable de le recréer.
Qu’on ne cherche pas, dans le
cinéma d’Angelopoulos, l’image de la Grèce clinquante et superficielle, du
soleil et des stations balnéaires, que s’en font les touristes. Angelopoulos
filme la Grèce du nord, celle des Balkans, avec son histoire tourmentée, sa pauvreté, ses paysages froids et
désolés, souvent noyés dans la pluie et le brouillard. Le Regard d’Ulysse se passe en
pleine guerre de Yougoslavie et au milieu des combats de Sarajevo.
Le travail d’Angelopoulos,
très exigeant, avec des plans séquence qui n'en finissent pas (l'exemple-type étant celui, interminable, des télégraphistes dans Le pas suspendu de la cigogne, 1991), peut, pour la
plupart des spectateurs, être insupportablement ennuyeux mais les plus
prestigieux jurys, trop souvent aveuglés par le snobisme et les coteries, ne
s'y sont heureusement pas trompés puisque Le Regard d'Ulysse, qui est sans doute son
chef-d’œuvre, a reçu la Palme d’Or au Festival de Cannes 1995, exploit renouvelé en 1998 pour L'Éternité et Un Jour.
Angelopoulos fait alors une pause
dans son parcours et ne revient à la réalisation qu'en 2004 avec Eléni, premier
volet d'une trilogie sur le XXe siècle à travers une histoire
d’amour. Son dernier film, La Poussière du temps, deuxième opus de sa trilogie
Eléni, réalisé en 2008, n'est, à ce jour, malgré la notoriété de son
réalisateur, jamais sorti en France. Dans sa carrière, Angelopoulos aura réalisé 14 films. Son 15e restera à jamais inachevé comme l'avait été son premier.
Terrible ironie que de laisser sa
dernière œuvre inachevée pour un réalisateur dont l'un des thèmes de
prédilection est justement l'incapacité de l'homme à aller au bout de ses
ambitions.
Souvent considérée comme difficile, l’œuvre de Theo
Angelopoulos est celle d'un cinéaste poète et esthète, pape d'un cinéma
contemplatif et existentiel.
Commentaire de Dasola
RépondreSupprimerRe-bonsoir Rock07, encore un grand réalisateur qui disparaît. Ce décès accidentel est vraiment injuste. Le film que j'ai apprécié de ce réalisateur c'est Le Regard d'Ulysse qui est accessible avec
un Harvey Keitel remarquable. Bonne soirée.